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Biologie antique

Quel est le rapport entre la mythologie et la biologie? Allons voir chez les Grecs si on y est! Ou plutôt venez par ici


Méduse, la (belle) bête marine

Publié par Biologiste Antique sur 12 Février 2020, 16:30pm

Dans notre bestiaire mythologique aujourd’hui nous allons choisir, une magnifique beauté selon les uns, un monstre (marin) selon les autres, j’ai nommé : la Méduse

 

Méduse Aurelia Aurita (Luc Viatour / https://Lucnix.be)

Méduse Aurelia Aurita (Luc Viatour / https://Lucnix.be)

Attention ça pique !

Méduse chez les Grecs c’est l’une des trois sœurs Gorgone, et elle fait peur. D’ailleurs la bébête qui peuple nos océans peut faire un peu peur également. En effet, les méduses ont un petit côté piquant…Elles font parties du groupe des Cnidaires comme les anémones, les hydres (dont je vous parle ici), et…les gorgones (du sous-groupe des coraux). Les méduses ne sont en pas un groupe distinct mais représentent la forme libre des différents sous-groupes qui composent le grand groupe des Cnidaires, les autres sont les formes fixes. Autrement dit : les méduses nagent, mais les coraux non ! Les méduses sont en fait une sorte de petit sac, avec un trou qui fait office de bouche et d’anus (et oui tout le monde n’a pas notre chance). Ce petit sac est composé de trois couches, qu’on appelle des feuillets : un feuillet interne comme nous qui va servir à la digestion, un feuillet intermédiaire qui contient de nombreux neurones, et un feuillet externe qui constitue l’épiderme de l’animal notamment.

 Les Cnidaires possèdent des cellules urticantes, (c’est ce qui pique), appelées cnidocytes situés au niveau de cet épiderme. A l’intérieur de cette cellule un peu particulière réside le nématocyste qui n’est rien de moins qu’une aiguille remplie de venin qui se dévagine dès qu’on touche à la bestiole…du coup ça pique. Chez les méduses on retrouve une concentration de cnidocytes particulièrement importante au niveau des tentacules, mais également au niveau de l’ombrelle (en gros le haut du petit sac).  Mais attention à la méduse qu’on a eu le malheur de tripoter : les fameuses méduses « boites », autrement appelées Cubozoaires, sont particulièrement redoutables. On les retrouve principalement dans les eaux chaudes, c’est-à-dire les océans tropicaux et subtropicaux. Le genre Chironex (« la main qui tue » en grec) a fait plusieurs morts en Australie et au Japon, ses piqures sont douloureuses et peuvent tuer en quelques minutes. Bien évidemment elles ne piquent pas intentionnellement un baigneur (elles n’ont pas l’intention d’en faire leur petit déjeuner). Il s’agit de rencontres fortuites et involontaires, contrairement à celles de notre Méduse mythologique qui leur a donné son nom.

La Méduse du Caravage

La Méduse du Caravage

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Méduse est donc l’une des trois sœurs Gorgone. Mais c’est qui au juste les Gorgones ? Elles sont filles des divinités primordiales Céto et Phorcys, qui sont elles-mêmes sœur et frère respectivement, issus de l’union de l’Océan (Pontos), et de la Terre (Gaïa). Selon les écrits anciens, soit Méduse est la plus belle des trois, ou bien elle est particulièrement laide mais plutôt fière de sa chevelure. Dans tous les cas, Poséidon (vous noterez que pour une fois ce n’est pas Zeus, mais son frère), le dieu olympien des océans et des mers, s’éprend de Méduse. Et les deux compères dans leur élan amoureux profanent un temple dédié à la déesse Athéna, qui n’est pas réputée pour sa tendresse. Pour la punir de cette profanation elle décide de changer sa chevelure en une masse venimeuse…et oui là ça pique aussi. Méduse a désormais le pouvoir de changer en pierre, hommes ou bêtes qui croisent son regard.

Le sort de Méduse est intimement lié au destin du grand héros Persée. Persée c’est un des fils de Zeus cette fois ci, et de Danaé. Danaé issue d’une famille de querelleurs, elle est enfermée dans une tour par son père Acrisios, Roi d’Argos, à qui l’on a prédit qu’il n’aurait pas de fils et que son petit-fils le tuera. Mais Zeus totalement séduit par la jeune fille, (quel cœur d’artichaut ce Zeus), se transforme en pluie d’or et s’infiltre ainsi dans la prison de Danaé, et lui fait un enfant. Cet énième dérapage de Zeus n’est pas longtemps dissimulé et Acrisios décide de sacrifier la mère et l’enfant en les jetant à la mer dans un coffre. Près de l’île de Sérifos, ils sont pris dans les « filets » de Dictys, (« filet » en grec), qui élève Persée comme son fils. Ce pêcheur n’est autre que le frère du roi de l’ile de Sérifos : Polydectes qui tombe raide dingue de Danaé. Il tente alors d’éloigner Persée de sa mère pour la séduire, et lui ordonne de lui ramener la tête de Méduse qui pétrifie tous ceux qui ont le malheur de croiser son regard.

Mais Persée, il ne faut pas l’oublier, est fils de Zeus. Il est aidé par pas mal de dieux olympiens ; Hermès, le messager, l’emmène voir les nymphes du Styx aux Enfers, lui obtient une super épée, des sandales ailées et le casque d’Hadès, dieu des Enfers, qui rend invisible celui qui le porte. Athéna, toujours pour nuire à cette pauvre Gorgone, lui fournit un bouclier-miroir qui lui permet de ne pas finir...médusé pour toujours. Avec cet arsenal de demi-dieu, il finit par lui trancher la tête quand elle dort, et s’en sert pour pétrifier Polydectes. De son sang naissent : Pégase le cheval ailé et Chrysaor, son frère un sanglier ailé, enfants de son union avec Poséidon.

Danae (Gustav Klimt-1907), et la pluie d'or (Zeus)

Danae (Gustav Klimt-1907), et la pluie d'or (Zeus)

Le mythe et la réalité

Par la suite, les grecs ont représenté cette tête tranchée de Méduse sur le bouclier d’Athéna. Méduse en grec signifie « celle qui protège », et le naturaliste Linné a été bien inspiré de nommer cet animal marin de la sorte. En effet, certaines méduses permettent à des petits poissons de se protéger d’autres prédateurs, ceux-ci se nichent entre les tentacules venimeux de la belle, et s’en servent comme d’un bouclier.  La méduse est également à l’origine d’un outil révolutionnaire en biologie, récompensé par un prix Nobel en chimie en 2008 : la GFP, pour « green fluorescent protein », qui est une protéine qui une fois excitée par de la lumière va en émettre à son tour. Cette protéine a été intégrée à des organismes en laboratoire pour pouvoir visualiser au microscope des processus biologiques, des cellules, des protéines…C’est la méduse Aequora victoria ou méduse cristal qui exprime naturellement cette molécule.  Finalement, la Méduse mythologique, terrible et venimeuse qui séduisit le dieu des Océans lui-même, que personne ne pouvait voir sous peine de mourir, n’est pas si différente de nos méduses à nous. A voir ces cuboméduses si transparentes qu’elles sont presque invisibles et tellement mortelles, on se sent un peu comme un Persée dans l’eau, non ?

Aequorea victoria, la méduse cristal (Denise Allen- crédit photo)

Aequorea victoria, la méduse cristal (Denise Allen- crédit photo)

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