Non, ce n’est pas un sort tout droit sorti de la saga du fameux sorcier aux lunettes rondes dont je veux vous parler aujourd’hui, mais bien d’une créature marine…la Ceinture (Cestum) de Vénus (Veneris). Alors, oui, c’est aussi le petit nom que l’on donne à cette bande rose à l’horizon, que l’on aperçoit dans le ciel à l’aube et au crépuscule. Mais vous allez voir que la bête que je vous présente aujourd’hui, brille aussi.
Cténoquoi ?
La ceinture de Venus appartient au phylum (un embranchement sur l’arbre du vivant) des Cténophores. Le nom Cténophore provient du grec ktenos, « peigne » et phorein, « porter », puisque tous les Cténophores portent huit rangées de peignes ciliés qui les font chatoyer par iridescence (phénomène optique qui donne une impression de changement de couleur selon l’angle d’observation). Grâce à leurs rangées de cils ces créatures translucides sont capables de nager activement. Contrairement aux méduses (dont vous pouvez avoir des infos ici), les cténophores n’ont pas de cellules urticantes. En revanche, comme les amant.es follement épris, ils sont tout collants. En effet, ce sont des carnivores qui vont chasser leurs proies (des crevettes principalement), grâce aux « colloblastes », des cellules collantes qui se trouvent sur leurs tentacules. De plus, Cestum veneris est particulièrement fragile et se brise à la moindre manipulation , un peu comme l’Amour finalement.
Ah ! l’Amour…
L’Amour, précieux, fragile et complexe comme les origines de Vénus la déesse romaine qui porte cette fameuse ceinture. Elle est très vite assimilée à la déesse grecque Aphrodite. Tantôt fille du Ciel (Uranus/Ouranos) et de la Terre (Gaïa), tantôt fille de Jupiter (Zeus chez les Grecs) et de Dionée (une déesse archaïque), ou finalement née de l’écume de la Mer. Chez le poète grec Hésiode, c’est Saturne (Chronos, le Temps chez les Grecs) qui combat son père, Uranus (le Chaos, le Ciel). Lors d’un combat pour le détrôner, il lui tranche les parties génitales et celles-ci fécondent ainsi la Mer, donnant naissance à Vénus/Aphrodite. C’est d’ailleurs la mère de Chronos, Gaïa qui met la serpe tranchante dans les mains de son fils, voulant se libérer de son mari abusif.
L’écume des vagues sera donc assimilée au sperme du Ciel (oui, oui poésie). Aphrodite est dite « Anadyomène » soit : qui sent l’écume (le raccourci est vite fait me direz-vous, et vous n’auriez pas tort). La déesse de l’Amour est d’abord mariée à Vulcain (Héphaïstos en grec), dieu du feu, de la forge et du fer (au passage c’est chez Vulcain que Prométhée va chercher le feu sacré de l’Olympe pour l’offrir à l’Humanité). Jupiter lui offre la fameuse ceinture -cestum- magique, en guise de cadeau de mariage. C’est cette cestum veneris qui lui confère des pouvoirs de séduction sur dieux, déesses, et mortel.le.s.
Une histoire d’intersexualité
Vulcain a beau être un dieu puissant et respecté, elle lui préfère très vite Mars (Arès) le dieu de la guerre. A qui elle préfère ensuite Hermès, le dieu ailé, messager de l’Olympe. De leur union nait Hermaphrodite (panne d’inspiration des parents pour le nom de l’enfant visiblement). Plutôt bellâtre, le jeune homme fait des émules auprès des Naïades et notamment auprès de Salmacis. Alors qu’il se baignait dans le lac de Carie, près de Troy, habitée par la jeune Naïade, celle-ci tente de l’embrasser mais l'adolescent repousse ses avances. Désespérée, elle supplie son père le dieu des Eaux, de fondre en lui pour ne pas s’en séparer. Elle étreint alors Hermaphrodite, et son père exauce son vœu. Le jeune homme voit lentement son corps se transformer …Hermaphrodite devient alors un être intersexué. La légende veut que tout être se baignant dans le lac par la suite se trouve transformé également.
Les Cténophores sont eux-mêmes hermaphrodites et chaque individu porte à la fois des œufs (gamètes femelles) et des spermatozoïdes (gamètes males) sous leurs rangées de cils. Cestum veneris va donc émettre directement dans l’eau les deux types de gamètes. La fécondation donnera naissance à une larve que l’on appelle la larve cydippide, qui est elle-même nageuse. Son nom dérive de Cydippe une Néréide (divinité marine) prêtresse d’Héra (Junon). Héra qui d’ailleurs se fait souvent prêter la ceinture magique, cherchant à se venger de son mari Jupiter (Zeus), plutôt gros goujat dans le genre.
Récapitulons ensemble : Aphrodite est la mère d’Hermaphrodite, la ceinture de Vénus (la bestiole) est elle-même hermaphrodite, sa larve cydippide vient de Cydippe, elle-même une prêtresse d’Héra, et Aphrodite prête sa propre cestum à Héra, pour la faire briller dans la haute.
La boucle est bouclée.
REFERENCES :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7810042/
https://doris.ffessm.fr/Especes/Cestum-veneris-Ceinture-de-Venus-26
https://planktonchronicles.org/fr/episode/ctenophores-orgie-de-couleurs/
Catherine Clément - Dictionnaire amoureux des Dieux et des Déesses (Editions Plon)