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Biologie antique

Quel est le rapport entre la mythologie et la biologie? Allons voir chez les Grecs si on y est! Ou plutôt venez par ici


Chimère : le monstre biologique ?

Publié par Biologiste Antique sur 31 Mai 2020, 16:00pm

Les chimères, dans notre imaginaire collectif sont des illusions, qu'il faut au moins reconnaître, au mieux combattre. Mais saviez-vous qu'en biologie, les chimères sont des animaux bien réels ? Pour en savoir plus, c’est par ici que ça se passe…

 

Chimère d'Arezzo (Statue étrusque (peuple vivant dans la région de Rome à l'époque) en Bronze environ 400 av J.-C.)

Chimère d'Arezzo (Statue étrusque (peuple vivant dans la région de Rome à l'époque) en Bronze environ 400 av J.-C.)

Chimère, chimère existes-tu ?

 

Pour les Grecs il s'agit d'un terrible monstre à combattre ; un mélange abominable d’animaux : une première tête de lion, une seconde de bouque, et une troisième de serpent, s’ajoute selon les versions un corps de chèvre ou de lion, une queue de dragon… et pour ne rien louper la bestiole crache du feu ! Vu comme ça elle n’a pas l’air sympathique, alors j’imagine bien votre étonnement quand je vous ai dit que (si, si) elles existent en vrai. Pourtant dans notre imaginaire une chimère on court après mais on ne l’attrape jamais ! Ce ne sont que des illusions. Notre animal a beau avoir une tête de lion ou un corps de chèvre bien connus, le tout ensemble c’est plutôt du jamais vu.

 

Pourtant depuis quelques années, vous avez peut-être pu lire des articles de journaux annonçant la création d’embryon mi-mouton mi-humain, ou mi-cochon mi-humain. Pourquoi ? Comment ? Je vous explique ça plus loin.

En allant voir chez les Grecs…

 

L’histoire de la Chimère c’est plutôt celle de Bellérophon, ce héros malheureux, qui toute sa vie cherchera à se racheter du meurtre de son frère. A la base Bellérophon c’est Hypponous son petit nom, un prince de Corinthe. Son ascendance n’est pas très claire : en effet il prétend être le fils caché que Poséidon, dieu des océans aurait eu avec sa mère Eurymédée, femme de Glaucos. Jeune homme particulièrement fougueux et avide d’exploits, il essaiera toute sa vie durant, de prouver qu’il est bien le fils de Poséidon.  Malheureusement, lors d’une partie de chasse endiablée, il tue d’une flèche Belleros, son propre frère, qu’il aurait confondu avec le sanglier qu’ils avaient pris en chasse.

 

De là, il est chassé de la ville, rebaptisé Bellérophon (« le tueur de Belleros ») et s’exile à Tirynthe, pour pouvoir être purifié par le roi sur place Proetos. Pas de chance pour Bellérophon, Sthénébée, la femme de Proetos jette son dévolu (et elle-même) sur notre héros, qui refuse ses avances. Un peu déçue, elle finit par l’accuser de vouloir la séduire (voire carrément de viol selon les versions), et il est de nouveau condamné à l’exil chez Iobates, roi de Lycie. Celui-ci reçoit Bellérophon avec les honneurs dus à un invité et laisse de côté la lettre qui lui est adressée par Proetos. Plus tard il découvre dans cette lettre la demande du mari de Sthénébée, de tuer notre héros. Un poil embêté, et pour se débarrasser de la patate chaude, il décide de proposer à Bellérophon de racheter son honneur en allant tuer le monstre qui sévit en Lycie ; la Chimère.

 

Comme je vous l’ai dit le jeune homme est particulièrement avide d’exploits à la hauteur de sa divine ascendance, il accepte sans rechigner. Il demande l’aide d’un oracle, qui lui conseille de dormir dans un temple dédié à Athéna et de sacrifier un taureau à Poséidon. Athéna reçoit ses prières et l’aide à dompter Pégase le mythique cheval ailé. Grâce à cette divine monture et à une lance à pointe de plomb, Bellérophon tue la Chimère en lui plantant sa lance dans la gueule. Sous l’effet du feu qui se dégage de la bête, le plomb fond et la tue. Ainsi meurt la Chimère. Et pourtant elle n’a pas fini de faire parler d’elle...

Bellérophon tuant la Chimère. (Scène peinte sur l'extrémité d'un épinétron (objet en céramique qui servait aux femmes roulant la laine) attique, vers 425-420 a. J-C.

Bellérophon tuant la Chimère. (Scène peinte sur l'extrémité d'un épinétron (objet en céramique qui servait aux femmes roulant la laine) attique, vers 425-420 a. J-C.

Chimère génétique, chimère biologique

Eh oui malgré sa mythique mort, il semblerait qu’elle n’ait pas encore cessé d’exister. Vous avez peut-être entendu parler récemment des chimères créées en laboratoire. Une chimère en biologie, c’est un être qui possède au moins deux patrimoines génétiques différents : son propre patrimoine et celui de quelqu’un d’autre ou bien…celui d’une autre espèce. Oui comme la fameuse Chimère de Bellérophon.

Pour de nombreux patients en attente de greffes, c’est un espoir. En effet, dans des cas de greffes d’organes (poumons, pancréas, foie, cœur) les malades doivent patienter des mois voire des années avant d’obtenir un greffon compatible. L’idée est d’implanter au début de la vie embryonnaire d’un animal, des cellules humaines, qui vont se développer et s’intégrer aux organes de l’animal hôte. Afin d’obtenir un organe complètement ou largement humanisé, l’embryon hôte (provenant généralement du mouton, du porc ou du singe) est souvent préalablement modifié afin de ne pas développer l’organe en question. Par exemple si l’on veut développer un pancréas humain, on va modifier l’embryon hôte pour qu’il ne fasse pas de cellules pancréatiques lors de son développement.

Les études portant sur ces expériences, démontrent qu’encore beaucoup de chemin est à parcourir, notamment en termes de sécurité. En effet, l’on peut s’interroger sur la bio compatibilité d’organes humains développés entièrement chez des hôtes d’une autre espèce : quid des virus spécifiques à l’espèce hôte possiblement transmissibles ?  Et que faire des cellules sanguines ou vaisseaux qui alimenteraient un foie, un cœur, un pancréas humain ? Après une greffe, les patients prennent, tout au long de leur vie, des immunosuppresseurs, afin d’éviter les rejets ; c’est-à-dire une attaque de leur système immunitaire contre la greffe non reconnue comme étant du soi par l'organisme. Pour l’instant, les chimères sont loin de proposer une solution à ce problème de compatibilité.  

Cependant, si l’on ne fait pas encore pousser des greffons « opérationnels », en biologie et notamment en biologie du développement ou embryologie, ces chimères sont une mine d’informations cruciale. Un exemple flagrant de leurs pouvoirs informatifs ; la célèbre chimère caille-poulet. Cette chimère a permis aux biologistes, et notamment au Professeur Nicole LeDouarin, dans les années 80, de mettre en évidence la fonction et le devenir d’une structure unique aux vertébrés (dont les humains font partie et globalement tout ce qui a un squelette et une colonne vertébrale) : la crête neurale. En greffant des cellules d’embryons de caille chez un embryon de poulet dans cette structure particulière, les scientifiques ont pu les suivre à la trace. Grâce à cela, ils ont pu mettre en évidence que la crête neurale était responsable, entres autres (car la liste est longue et non exhaustive) : de la formation de nos mélanocytes (les cellules pigmentaires de la peau), de notre squelette facial et de notre système nerveux périphérique (qui parcourt tout notre corps) …rien que ça !  Alors, plus sympathique en vrai que mythique notre Chimère non ?

Sachez enfin, que selon certaines trouvailles scientifiques nous serions tous un peu…chimères. Pour comprendre pourquoi je vous conseille de vous familiariser avec le concept de "microchimérisme", vulgarisé par Dirty Biology. Ça parle de jumeau mort absorbé par l’autre jumeau (vivant du coup), des cellules mâles chez les mères qui ont accouché d’enfants de sexe masculin, de bactéries, de microbiote et d’écosystème: MIAM. C’est par ici !

Plus mignonne en vrai la Chimère non? ( Crédits : Tony Willis -https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Quail_chick_02.jpg)

Plus mignonne en vrai la Chimère non? ( Crédits : Tony Willis -https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Quail_chick_02.jpg)

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