Prométhée vous connaissez ? C’est ce personnage mythologique qui se fait dévorer le foie éternellement par un aigle, pour avoir enquiquiné Zeus le roi des Dieux. Selon les grecs, tous les jours le pauvre Prométhée, voit son foie se « régénérer » : il repousse. Et ben messieurs, dames, les Grecs avaient raison…notre foie est tout à fait capable de repousser. Explications.
Il était une « foie ».
Le foie est un organe vital qui se trouve dans une zone que l’on appelle « l’hypocondre droit » soit le côté supérieur droit de l’abdomen. Il assure des fonctions variées, il contrôle la concentration de la plupart des composés chimiques dans le sang d’où le rôle de « détoxificateur suprême » qu’on lui prête. Il a également une fonction excrétrice que l’on appelle exocrine (c’est-à-dire qui déverse ses produits chimiques, hormones et autres, dans une cavité naturelle qui est en contact avec l’extérieur, ici le système digestif) en secrétant la bile qui permet notamment la digestion des graisses. Grâce à Claude Bernard en 1855, on apprend que le foie joue un rôle dans le contrôle de la glycémie. En fait le foie, joue sur environ 300 fonctions vitales de l’organisme le but n’étant pas ici de vous faire une liste exhaustive, passons à son petit pouvoir mythologique : la régénération. La description des capacités de régénération du foie date d’il y a plus de 2500 ans à travers le mythe de Prométhée.
C’est quoi cette histoire ?
Prométhée, #le prévoyant, est un Titan (ou fils du Titan Japet selon les sources et Hésiode en particulier), dans la culture antique. Késako ? Un Titan c’est une divinité primordiale, en gros ce sont eux, les dieux avant Zeus et avant l’Olympe, ils sont les fils de la Terre (Gaïa) et du Ciel (Ouranos). Les Titans et les Dieux de l’Olympe sont querelleurs et se sont empêtrés dans une guerre féroce qui dure depuis des lustres… pour voir finalement s’établir sur l’Univers le pouvoir de Zeus victorieux, désigné Roi des dieux.
Lui et son frère Epiméthée, celui qui réfléchit après, (#lemaladroit) se sont ralliés à Zeus et sont récompensés d’une mission. Ils doivent créer la vie sur Terre ; la race des Hommes et tous les animaux. Epiméthée l’empoté, crée les animaux, mais leur donne toutes les qualités et les dons disponibles (vitesse, endurance, force, poils, plumes), du coup : plus rien en stock pour les Hommes. Prométhée (#celuiquiréfléchit) leur transmet la Connaissance, histoire qu’ils arrivent à s’en sortir vivant dans ce monde cruel. En plus des arts métallurgiques, de construction et d’ingénierie qu’il leur transmet, Prométhée va voler pour eux, le feu sacré des Dieux. Et c’est pour ce crime qu’il reçoit le châtiment décrit plus haut : enchainé à un rocher dans les montagnes du Caucase, son foie est dévoré tout le jour par un aigle vorace. L’organe repousse toutes les nuits, le soumettant à un supplice éternel.
Mythe ou réalité ?
Il se trouve que la description des propriétés du foie dans ce mythe est tout à fait exacte. Une hépatectomie (ablation partielle du foie), d’environ 70% de sa masse, résulte en une récupération intégrale en 7 à 10 jours chez le rat et en quatre mois chez l’Homme. Cette capacité est relativement utile dans les cas nécessitant un don ou une greffe du foie avec prélèvement sur donneur vivant. Un « morceau » du foie du donneur lui est retiré et est transplanté chez le receveur, dans lequel il va pouvoir grossir prenant la taille d’un foie normal. De même, le foie du donneur va rapidement retrouver sa taille habituelle. Cette régénération se produit grâce à la multiplication des cellules qui composent le foie : les hépatocytes (dérivant du grec : hepar). Cependant seule la masse est restaurée et non pas la forme. Chez l’Homme une hépatectomie d’un lobe (le foie humain en comporte deux), conduit l’autre lobe à « compenser » la perte de l’autre en grossissant. Il s’agit donc plus d’un mécanisme compensatoire que d’une réelle régénération (mécanisme sur lequel je vous en dis plus ici ).
Le mythe de Prométhée laisse penser que les Grecs, en plus de savoir que le foie est un organe vital, se doutaient que celui-ci a des capacités de régénération. Une information qui reste surprenante au vu des connaissances de l’époque. Il s’agirait vraisemblablement d’un heureux hasard. Ce que l’on sait assurément c’est que les Grecs, et les Romains consommaient une sorte de « foie gras », « hepar sykoton » en grec, après avoir découvert que l’ingestion à outrance de figues par des oies et canards, modifiait la composition (et donc le gout) de cet organe le rendant « gras ». C’est d’ailleurs de la figue, « ficus » en latin, que dérive le terme « foie ». Une anecdote à ressortir aux repas de famille !